17 novembre, 2007

l'avis d'un expert auprés du département fédéral des affaires étrangères sur la situation au Darfour : Julian Hottinger

Julian Hottinger: «Je ne vois aucun désir de paix»

Julian Hottinger connaît le Soudan comme personne pour avoir œuvré en tant que médiateur dans les accords de Naivasha. Cet accord de paix, négocié durant près de trois ans (2003-2005), a mis fin au plus ancien conflit africain, celui qui opposait depuis 23 ans les rebelles du Sud-Soudan au gouvernement de Khartoum. Aujourd'hui expert auprès du Département fédéral des affaires étrangères, Julian Hottinger donne ici quelques clés pour comprendre ce conflit qui déchire la région du Darfour.

Faut-il considérer la guerre civile qui ravage le Darfour comme une guerre de religions: il y aurait d'un côté les partisans du régime de Khartoum, islamistes, et de l'autre, les rebelles, chrétiens- animistes?

Julian Hottinger: Non, pas du tout! Le Darfour, c'est une région musulmane. Je pense que les chrétiens représentent entre 1 et 2% de la population. Et à côté de cette minorité, il y a quelques communautés animistes. Donc, les musulmans forment les 98% de la population du Darfour. La guerre qui sévit là-bas est une guerre entre musulmans. Le clivage qui existait dans le conflit du Sud-Soudan, entre le Nord musulman et le Sud chrétien, n'existe pas au Darfour. Le Darfour a toujours été le lieu d'une forte identité musulmane.

Quelle est alors la source de ce conflit qui a tué près de 500 000 personnes?


Il faut voir l'opposition de deux communautés, l'une d'origine arabe, celle qui détient le pouvoir, et l'autre, d'origine africaine, qui s'est rebellée. Ces tensions qui existaient déjà au Soudan ont été exacerbées par deux épisodes de sécheresse dans les années 80 et 90.
»Devant la raréfaction des terres fertiles, les sédentaires, d'origine africaine, et les nomades, souvent d'origine arabe, se sont trouvés en conflit. A cette explication, il faut ajouter un volet stratégique: l'Armée de libération du Soudan (SLMA) a décidé d'ouvrir au Darfour un deuxième front dans la guerre qui l'opposait, dans le sud du pays, au gouvernement de Khartoum.

Pensez-vous que le seul espoir de paix réside dans l'envoi d'une force des Nations Unies au Darfour?

Nous parlons d'une région plus grande que la France!

Combien d'hommes croyez-vous qu'il faudrait envoyer pour pacifier une telle étendue?

Pour le moment, les Nations Unies élaborent un plan qui mentionne une force de 25 000 hommes, mais Khartoum ne veut pas de cette proposition.
Le gouvernement d'Omar Bashir veut continuer de travailler avec l'Unité Africaine, qui a envoyé environ 6000 hommes au Darfour. Je pense que le Darfour est un problème intérieur au Soudan. Tant qu'il n'y aura pas, de la part des Soudanais, une volonté de faire la paix, la communauté internationale sera impuissante.
Et pour l'instant, je ne vois chez les belligérants aucun désir de paix.



Article de Jean Hamann (du journal LA LIBERTE CH )